Mamie,
Le 14 mars 2017, jour de ton 88ème anniversaire, tu t’es endormie paisiblement, sans souffrance, à 4h45 du matin, à la maison de retraite La Roselière de Kunheim. Et j’ai comme l’impression de ne pas avoir assez profité de ta présence. J’aurais tellement aimé passer un printemps de plus à tes côtés.
Samedi 11 mars, je suis venue te voir et tu dormais. Je suis restée qu’une seule heure, et me suis dit que je passerai un autre jour, en espérant que tu sois éveillée. Si seulement j’avais su que cette heure serait la dernière fois que je te verrais, je serais restée toute l’après-midi auprès de toi… Trois jours après, tu décédas…
Mais à quoi bon avoir des regrets maintenant… Les choses ne changeront pas malheureusement. Alors je vais plutôt garder en mémoire, tous les bons souvenirs, tous les moments que nous avons pu partager ensemble. En commençant par mes premiers souvenirs d’enfance, ceux qui ont marqués ma vie à tout jamais et qui l’ont influencé, j’en suis certaine, dans le bon sens.
Lorsque j’avais 5 ans, nous sommes venues habiter chez toi et grand-père, dans cette grande maison orange, située à l’entrée du village de Durrenentzen, que vous aviez construite de vos propres mains. Pendant ces deux années, j’étais scolarisé à Widensolen pour ma dernière année de maternelle et à l’école primaire de Durrenentzen pour mon année de CP. Tu m’as toujours encouragée pour que je travaille bien à l’école. Tu me faisais réciter les leçons et les poésies jusqu’à ce que je les connaisse par cœur. Tu me faisais écrire cent fois la même phrase ou me faisais conjuguer des verbes pour que je sache bien écrire. Ah non, ça c’était plutôt pour me punir lorsque j’avais fait des bêtises…
Tu m’as enseigné des valeurs, tel que « le mensonge est un vilain défaut ». J’ai eu droit à des fessées, lorsque je t’ai dis que je n’avais pas de chewing-gum en bouche et que tu as découvert qu’il y en avait bien un caché du côté droit de ma mâchoire ; ou encore le jour où je suis descendue à la cuisine pour prendre le petit-déjeuner et que tu as remarqué que j’avais utilisé le maquillage de maman. On ne m’avait pas dit que le maquillage ne partait pas avec l’eau du robinet…
Tu m’as appris à faire attention avec le monde extérieur, qu’il ne fallait pas faire confiance à n’importe qui, que tout le monde n’est pas forcément bien intentionné. Alors, avant de prendre le chemin de l’école tu me disais d’un air bienveillant « si un inconnu s’arrête et te propose un bonbon, surtout n’accepte pas et ne monte pas dans sa voiture ».
Je pense sincèrement que tu étais la meilleure cuisinière du monde. Tu faisais des plats succulents, la meilleure purée de pomme de terre que j’ai goûtée en 26 ans, de délicieux bredalas et j’en passe. Je n’ai pas non plus retrouvé les saveurs de ta tarte fraise-banane.
J’aimais beaucoup aller au potager avec toi et grand-père pour cueillir des fraises et des framboises, gambader autour des groseilliers et des myrtilliers, ou voir grossir les potirons. Quotidiennement, nous allions déposer les restes alimentaires au poulailler afin que les poules nous pondent de bons œufs. Et puis un jour, tu as pris une poule par le cou. Je t’ai demandé d’un air étonné : « Mamie, que fais-tu avec cette poule ? ». Tu me répondis : « Je l’emmène à la cuisine, nous allons la manger à midi ». J’avoue que tu m’as un peu choqué du haut de mes trois pommes… Heureusement, la poule n’avait pas l’air de souffrir, avec le coup de couteau asséné net au niveau de son cou. Je ne me rappelle pas avoir vu de sang.
Tu aimais prendre soin de votre jardin avec grand-père ; et aussi de tes tulipes colorées, que tu avais plantées tout autour de la maison. Par contre, tu n’appréciais pas trop lorsque je jouais avec les chenilles vertes près des buissons, ou avec les escargots.
Dans la cour arrière, j’ai appris à pédaler sans les petites roulettes. Après m’être pris le poteau de l’étendoir à linge, j’ai finalement réussi à faire du vélo sans l’aide de grand-père !
Ensuite, je suis partie vivre à Colmar avec ma mère et ma sœur. Le destin a décidé que nous nous reverrions plus pendant environ 6-8 ans… J’ai même loupé vos noces d’or :’(. Je gardais, affectueusement, la peluche dauphin que tu m’avais offerte, et que j’ai d’ailleurs encore aujourd’hui, ainsi que quelques photos, pour me raccrocher à toi.
A l’adolescence, nous avions repris contact et je venais te rendre visite de temps en temps les après-midi. Nous dégustions un vacherin glacé provenant de la la pâtisserie Hertzog de Muntzenheim, ou une bonne tarte que tu avais préparée toi-même, à la table du salon. Tu aimais montrer tes albums photos dans lesquelles tu organisais les clichés de ta grande famille. A l’heure de partir, tu ne manquais pas de donner un peu d’argent de poche, un pot de confiture, des chocolats ou des petits gâteaux. Tu me complimentais en disant que j’étais une jolie fille, une fille intelligente. Et tu finissais par m’embrasser, en me serrant très très fort, dans tes bras.
A la fin de mes années lycée, j’avais décroché un job d’été au supermarché de Volgelsheim. Alors tu venais à ma caisse pour que je scanne tes courses. Tu étais contente que j’eus trouvé un travail pour la période estivale. Puis, je suis partie étudier à Strasbourg et l’on se voyait un peu moins souvent.
Quelques années plus tard, en 2011 il me semble, grand-père est entré en maison de retraite, car tu ne pouvais plus t’occuper de lui. Tu te retrouvais, alors, seule à la maison, à regarder les voitures passer, par les vitres du sas d’entrée. Si seulement je n’étais pas une simple étudiante boursière. Si seulement j’avais de l’argent pour te construire une maison sans escaliers, pour que tu puisses au moins, facilement te doucher.
Un an après, tu as rejoins grand-père à la maison de retraite. Votre chère maison pleine de souvenirs a été vendue afin de pouvoir payer les mensualités onéreuses. Ce n’était finalement pas plus mal…. Tu n’avais plus besoin de faire quoi que ce soit : ni ménage, ni cuisine. Et surtout, tu pouvais passer tes journées auprès de ton mari jusqu’à il y a deux ans, au mois de janvier de l’année 2015, où il nous a quitté.
A partir de ce moment là, tu m’as dit des choses qui m’ont attristé comme : « on ne devrait pas vivre si âgé » ; et tu m’as fait part de ton envie de mourir.
J’ai essayé d’égayer ta vie jusqu’à ton dernier souffle. Grâce à la possibilité de louer le véhicule adapté de la Roselière, qui permettait de transporter une personne en chaise roulante, j’ai pu organiser des sorties avec toi.
Nous sommes allées au marché de Noël de Neuf-Brisach et avons bu un chocolat chaud au salon de thé Birké.
Nous avons déjeuné à la foire éco –bio de Colmar. Nous nous sommes baladées le long du Rhin à Breisach (je me suis même fait draguer). Nous avons fait du roller sur la piste cyclable de Biesheim, sous les yeux ébahis des passants.
Nous avons fait des repas et sorties de famille et quelques parties de Triomino.
Il y a quelques mois, je t’ai présenté l’homme qui partage ma vie. Il t’a dit que tu étais jolie. Tu n’as pas perdu ton humour en lui répondant : « Moi ? Je suis, vieille ». La plus drôle des excursions fut celle où je t’ai emmené à l’l’Escale du bien-être à Colmar, un institut de beauté qui propose des soins du visage à deux. A peine arrivées, les esthéticiennes très aimables m’aidèrent à te faire monter la marche de l’entrée. Tandis que le fauteuil se fit la malle en roulant vers la route, je me précipitai pour aller le rattraper. Ouf ! Il n’y avait pas de voitures à ce moment-là ! Nous marchions lentement vers la pièce afin de s’installer pour le soin. Tout à coup, tu nous dis : « Non, mais moi je ne peux pas monter là-dessus ! ». A première vue, nous pouvions apercevoir une table de massage. Mais sur la gauche se trouvait un fauteuil confortable. Je te rassurais sur le fait que j’allai m’installer sur la table de massage, et toi dans le fauteuil. Nous enlevions nos bijoux, tu ne savais pas trop à quoi t’attendre et interrogeas l’esthéticienne : « Je vais devenir plus jeune après ça alors ? ». Nous riions et c’était parti pour une heure de relaxation. Au bout de 55 minutes, ton impatience se faisait ressentir : « c’est bientôt fini ? » t’exclamas-tu. Oui, c’était bel et bien terminé. L’esthéticienne me tendis un miroir, je te le passai et tu renchéris : « Mais, je suis la même ! ». Sur ces dernières paroles nous quittions l’institut le sourire aux lèvres.
Ma satisfaction la plus grande fut lorsque, l’espace d’un instant, j’arrivais à faire ressortir le meilleur de toi. Le simple fait de t’entendre lancer des répliques amusantes me rendait heureuse. Parce que derrière ce masque de vieillesse se cache : un bébé qui a perdu sa maman à l’âge de 14 mois, une jeune femme qui s’est mariée à l’âge de 22 ans, une femme qui a vécu pendant la guerre franco-allemande, une maman qui a construit un foyer et a donné naissance à 8 enfants, une grand-mère de 14 petits-enfants et une arrière grand-mère de 11 arrière petits-enfants.
Tous les moments que nous avons partagés ensemble resteront gravés à jamais dans mon cœur.
Que ton âme repose en paix. Je t’aime Mamie Mathilde.
Ta petite-fille, Cindy.
Très belle aventure avec ta mamie et qui est pout moi tante Mathilde.
Que de bon souvenir, merci Cyndi d’avoir partagé ce moment, qui fut agréable pour moi.
Bisous.
bonjour ma chérie
je te remercie d avoir fait tout çà pour maman
de là haut elle doit sourire
sa me touche tellement que des petites larmes me coulent des yeux .
merci mille fois pour ce texte et photos . sa me r apelle plein de bon souvenir
je t aime
à bientôt
je t embrasse affectueusement….